Soutien aux photographes ukrainiens : l’opération “Stand with Ukraine” est portée dans l’Aude à travers quatre expositions
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- Written by Eric SINATORA
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« Stand with Ukraine » est un programme d’événements et d’expositions initié par le réseau Diagonal et ses membres, en association avec le festival Odesa Photo Days, en soutien à la création photographique ukrainienne. Le programme vise à apporter un soutien financier aux photographes ukrainiens lourdement touchés par le conflit, et à rendre visible, partout où cela est possible, les œuvres qui n’ont pu être montrées ce printemps à Odesa. Le réseau Diagonal et ses 25 membres soutiennent le festival Odesa Photo Days et lancent une série d’expositions et d’événements mettant à l’honneur la scène photographique ukrainienne.
Dans l’Aude, le GRAPh a inité la programmation de quatre expositions dans quatre communes, sur la proposition artistique de Kateryna Radchenko, directrice d’Odesa Photo Days.
CALM WATERS / ANDRIY LOMAKIN
Exposition – du 23 mai au 15 août 2022 à Castelnaudary (Jardins de la Mairie)
“Un garçon de dix ans se noyait. La peur l’avait déjà quitté. Les plantes aquatiques flottaient devant ses yeux. Le soleil était au zénith, ses rayons perçant la surface de l’eau. Le courant l’entourait et l’enlaçait doucement, l’entraînant par le fond. C’était doux et paisible. Soudain, on m’attrape par les cheveux et on me tire d’un coup sec vers le haut, dans un seul mouvement. Ma grand-mère est terrifiée, et moi déçu par ce dénouement. Le temps s’arrête quand je reprends ma respiration, et le paysage maussade de la steppe fait monter des larmes à mes yeux, dans une poussière âcre. Ce monde-ci est différent. Pas si doux. La rivière est devenue mon refuge, pendant plusieurs années. On y entend à peine le grondement du monde extérieur, les pensées y deviennent plus claires, et les gens que j’y rencontre sont ouverts et bons, comme si la rivière les soulageait de leurs soucis et préoccupations, et qu’elle réveillait en eux l’état d’esprit calme et insouciant de mon enfance.” – Andriy Lomakin
Biographie
Andriy Lomakin, né en 1974 à Pripyat (Ukraine), est un photographe qui vit et travaille à Kyiv. Il est diplômé de l’Igor Sykorsky Kiyv Polytechnic Institute en 1999. En 2001, il commence à collaborer avec les médias locaux et internationaux en tant que photojournaliste et photoreporter. Depuis 2014, il se consacre à son travail de documentaire personnel et à des projets artistiques qui se concentrent sur l’exploration du paysage social en Ukraine, en combinant des prises de vue documentaire et de l’étude d’images d’archives. Il remporte le Grand Prix du « Photographe Ukrainien de l’année 2016 » avec sa série « Amulet » (2015). Il est auteur de plus de dix travaux photographiques présentés dans divers festivals et expositions à travers l’Ukraine, les États-Unis, le Canada, la France, la Grèce, la Suède, l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie, la Géorgie… Ses travaux sont également publiés dans plusieurs médias internationaux tels que le New Yorker, le Spiegel, Re:public, Macleans, Wired, BiF, Quartz, Helsingin Sanomat.
NEW HYBRID DEPORTATION / ALINA SMUTKO
Exposition – du 24 mai au 31 août 2022 à Bram (Square Simon)
Photographe documentaire, Alina Smutko traite dans son travail des conséquences de l’emprisonnement illégal de Tatars de Crimée par les forces russes depuis 2014. Dans New Hybrid Deportation, elle montre ces familles qui subissent l’absence d’un père, d’un frère, d’un proche, prisonnier politique des forces russes. Pour être suspecté de terrorisme et détenu, il suffit souvent d’avoir eu une conversation à la maison, dans sa cuisine, dans son garage, que même un musulman apolitique pourrait avoir : à propos du sens de la vie, à propos des rituels quotidiens… Des familles nombreuses se sont retrouvées seules face à une dure réalité ; la réalité de l’absence, la réalité de la discrimination qui pèse sur les proches d’un terroriste. Ce sujet, qu’Alina Smutko a couvert entre 2016 et 2019 (date à laquelle elle a définitivement été interdite de séjour en Crimée et en Russie), parle de ces personnes-là. Des proches des prisonniers politiques, dont la vie a changé du tout au tout, un matin, après une fouille
Biographie
Alina Smutko est une photographe documentaire et photojournaliste basée en Ukraine, publiée dans les médias depuis plus de sept ans. Ses principaux sujets sont les violations des droits de l’homme, les conflits religieux et ethniques et la vie dans les zones marquées par les conflits. Depuis plus de trois ans, elle couvre les événements qui se déroulent en Crimée occupée. Elle a également travaillé dans le Dombass, en Caucase du sud, et dans les pays d’ex-URSS. Elle alimente plusieurs projets autour de problématiques de société telles que la maternité, les maladies orphelines et les soins palliatifs.
Elle a pris part à six expositions collectives et trois expositions monographiques en Ukraine et à l’étranger. Ses travaux sont publiés dans les médias ukrainiens et internationaux tels que Deutsche Welle, la BCC, Politico, Der Spiegel et National Geographic.
KYIV, CHERKASY, STREET PORTRAITS / IGOR EFIMOV
Exposition du 1er juillet au 26 août à la Maison de la Région, Carcassonne.
Igor Efimov photographie depuis 2010. Il étudie la réalité dans la rue, dans l’espace public. Son travail s’intéresse à l’homme contemporain, à l’humanisme, et à l’absurdité de la vie. S’étant essayé à tous les sous-genres de la photographie de rue, du reportage à la photographie métaphysique, il est arrivé à la production de séries qui assemblent portraits et paysages urbains. L’exposition montre les travaux issus de trois séries : « Kyiv », « Cherkasy », et « Street Portraits ».
KYIV
Un pays est souvent associé à sa capitale. Cela semble très logique, étant donné que la capitale, étant la ville principale du pays, véhicule souvent l’image du pays tout entier. Cependant, en réalité, la vie dans la capitale, ses habitants et ses alentours, représentent souvent un espace très singulier, qui ne peut pas vraiment être considéré comme typique de l’Ukraine dans son ensemble. Kyiv accueille des populations venues de toutes les régions d’Ukraine, qui amènent avec eux une réelle diversité sociale, culturelle et religieuse. D’une part, ils s’unissent en un flot, bouillonnant et rapide, de vie urbaine. D’autre part, ils sont aussi une polyphonie de personnalités qui garantit la démocratie, l’esprit de liberté, qui sont inhérents à la ville de Kyiv.
CHERKASY
Alors que l’attention de toute l’humanité est rivée sur les mégalopoles, nous oublions bien souvent les périphéries. Les villes écrasent souvent l’individualité de l’humain. Toutefois, dans des centaines de villes provinciales comme Cherkasy, la vie suit un tempo différent, et parfois une direction différente.
La vraie mentalité nationale, sa vraie saveur, s’y révèlent avec plus de force. Quand on y photographie dans la rue, on est emporté par une réelle volonté, et parfois même un grand sentiment de danger. Les habitants ne sont pas ceux de la capitale. Ils ont d’autres aspirations, d’autres intérêts. Ils sont, peut-être, moins sophistiqués, mais toujours plus sincères.
STREET PORTRAITS
En étudiant les confluences entre les personnes et les espaces, Igor Efimov a créé une série de « stop-portraits ». L’artiste demandait aux passants de s’arrêter pour une photo. Il les plaçait au centre du cadre, créant des images symétriques, afin de mettre en valeur l’aspect mis en scène. C’est ainsi qu’Efimov arrêtait en quelque sorte le temps, l’espace d’un instant, en l’extrayant du flot ininterrompu du temps qui passe. Cet assemblage d’irréalité visuelle et de contexte documentaire donne ce sentiment de « réalisme magique », qui est aujourd’hui devenu une caractéristique de la photographie contemporaine.
CES TROIS SÉRIES visent à fixer un moment de l’histoire bien particulier, une période de grandes transformations pour l’Ukraine. A l’époque des prises de vue, l’Ukraine était un pays dans un moment d’après-guerre. Aujourd’hui, il est à nouveau dans un moment de guerre. Avec ces travaux, l’artiste espère contribuer à écrire l’histoire de nos vies. Il attend de ces images qu’elles viennent compléter le panorama du présent, qu’elles viennent en révéler une nouvelle facette, qui aidera le monde entier à découvrir l’Ukraine.
GRANDMOTHERS / ELENA SUBACH
Exposition – du 15 juin au 10 septembre 2022, au Chai – Espace Culturel de Capendu
“Dans un monde où le développement technologique accélère sans cesse, le fossé générationnel se creuse. De nos jours, nous sommes séparés de nos grand-mères non plus par deux générations, mais bien par un abîme. Elles ne savent pas toujours ce qu’est Internet, ni ce que vaut l’information dans le monde moderne. Elles vivent avec leurs valeurs d’après-guerre, gardent leurs économies dans une écharpe pour les mauvais jours, et font des réserves pour les temps à venir. Dans leurs sacs à main, elles ont des photos de leur famille, juste à côté d’images du Christ et de la Sainte Vierge, parce qu’eux aussi font partie de leur famille. Il me semble qu’elles regorgent de tant de souvenirs que rien de ce qui appartient au présent ne peut s’infiltrer en elles. Elles sont parmi nous, mais pas vraiment non plus, parce que leur esprit attend déjà ce moment où il quittera le royaume du vivant et se trouvera aux portes du paradis – paradis auquel elles croient désespérément. Quelle que soit leur confession, les grand-mères se rapportent des histoires de guérisons miraculeuses qu’elles ont lues dans les journaux, et y trouvent la preuve qu’il y a bien une vie après la mort. Je ne veux pas les discréditer. Je veux simplement les embrasser, leur dire qu’il n’y a rien à craindre, et que c’est elles qui ont raison.” -Elena Subach
Biographie
Elena Subach est née à Chervonohrad, en Ukraine. Elle a obtenu un diplôme en économie avant de se lancer en tant que designer textile. Elle est arrivée à la photographie en 2012, s’est installée à Lyiv, et a rejoint la communauté artistique 5×5/Dzyga. Son travail photographique s’intéresse principalement à la vie dans les provinces, la religion, les liens entre mythologie et identité, ses relations personnelles avec le monde et son pays, avec la vie et la mort. Sa méthode de travail implique de perpétuels déplacements vers les petites villes. Elle y cherche quelque chose d’unique – des gens, des communautés, des lieux et des objets. Elena dit que les villes de province sont comme de petites îles, séparées les unes des autres, et assez éloignées du continent pour évoluer à leur propre manière. Elle collectionne les singularités des cultures locales, qui sont menacées par la mondialisation, vouées à s’éteindre un jour.